- Un terme à sa colère. -

Elle ne pouvait pas aller au Gymnase, puisqu'à cette heure-ci il devait y avoir des élèves là-bas, et qu'avant tout elle voulait être seule, dans le calme. Lena ne trouvait pas assez d'adjectifs pour qualifier l'abject Stanislas De la Mandel. Cet homme, avec ses allures de bellâtre, était un gros pervers et un véritable salaud. Quant à tous ces élèves… Lena en avait par-dessus la tête.
Ici elle n'était pas respectée, pas aimée comme elle le voudrait. Elle était une vermine pour tous. Ce qu'elle voulait, c'était ça : le respect, la considération, la compréhension. Et elle était venue les chercher dans une école de bourges snobinards ? Non mais, quelle crétine elle était...

Toute la tension accumulée depuis ces semaines se déversa en un flot de larmes épaisses.

Elle en avait assez. Elle voulait partir...

Que tout s'arrête, s'il vous plaît...

Le pire, ce fut tout ce que ce salaud avait dit sur elle, sur son passé. C'en était trop.
Sa vie avait été gâchée par un salaud dans son genre. Sa perception des choses en avait été bouleversée...

Et parce qu'elle n'était pas comme EUX, elle était une sous-merde ?!

Stanislas passa dans le couloir perpendiculaire au hall et soupira. Une dernière tirade le suivit par la porte. Il ne comprit pas tout, juste qu'on lui en voulait. Terriblement. Son coeur battait, il s'était peut-être un peu trop énervé. Il stoppa brusquement. Il s'était même beaucoup trop énervé. Il passa une main dans ses cheveux et toucha son front de ses doigts frais. Il perdait la boule, il était en total délire... Comment avait-il pu dire de tels immondités sans même s'en rendre compte à une surveillante devant des élèves ? Il lui avait probablement ôté le peu de respect que ces petites vermines pouvaient lui témoigner... Il grimaça. Et puis il avait peu de chance d'entreprendre quelque chose avec elle.

*Et me***! Je suis totalement paradoxale! Si les élèves me prennent pas déjà pour fou...* Pensa t-il en pivotant sur ses talons. A toutes allures il revint sur les lieux du drame et vit la gentille petite surveillante disparaître sur le chemin de la bibliothèque.

Il la retrouva justement en ce lieu de paix studieux et calme. C'était probablement pour ça qu'elle était venu ici. Peu d'élèves s'aventuraient dans l'entre du savoir, Fauste quelquefois, il le savait mais trop rarement pour qu'il la cherchasse du regard. Il trouva la surveillante en train de souffle lentement, le plat des mains posée sur le bois foncé d'une table. Il s'approcha un peu d'elle, pas trop pour ne pas l'effrayer ou lui faire croire quelque chose et tousonna légèrement. Juste assez pour que la surveillante se retourne, des éclairs dans ses beaux yeux.

Quand elle vit que c'était lui, elle se paralysa sur place.

"Excusez-moi mademoiselle, avant même que vous me demandiez ce que je fais ici derrière vous, de vous avoir suivi. Je voulais ... mh, m'excusez. Je ne sais vraiment pas ce qui m'a pris, j'espère que vous me pardonnerez cette erreur tactique, je sais qu'elle pourrait être fatale pour votre réputation dans cette établissement alors si ... si vous avez une idée pour laquelle je pourrais vous être utile avec laquelle vous pourriez récupérer un peu de respect chez ces morveux... Faites-le moi savoir."

Il lui fit un sourire, un gentil sourire comme il en réservait aux parents des abrutis qu'il enseignait.

C'est pas vrai! Voilà que cet abruti ramenait encore sa fraise..! Mais qu'est-ce qu'elle lui avait fait pour qu'il s'acharne comme ça ??



Elle ne se retourna pas, sécha ses larmes, les sourcils froncés.
Mais à quoi jouait-il ? Voilà qu'après l'avoir traitée de tous les noms possibles et imaginables, il venait s'excuser comme un gentil garçon qu'il n'était pas ? Non mais, cauchemardait-elle ou pas ? Parce qu'à ce niveau…

Elle tourna enfin les yeux et contempla avec mépris ce petit sourire niais qui signifiait clairement je suis un abruti mais de toute façon je t'aurais dans mon plumard un jour ou l'autre donc autant faire ami-amie.
Elle se leva et le regarda avec une expression de défi, s'efforçant de ne pas faire attention à ses yeux si bleus…

Stanislas soupira. Après on s'étonnait qu'il gardait son comportement. Il haussa finalement les épaules, regarda un instant le parquet lissé puis finit par déclarer :

"Bien si vous le prenez comme ça. Dites-moi ce que vous avez besoin."

Il releva la tête, tenta de lui faire un sourire franc, se retourna et alla chercher dans les rayons de la bibliothèque une quelconque lecture qui pourrait atténuer son ennuie. Il s'arrêta d'abord dans le rayon roman, n'y trouva rien à son goût, marcha encore jusqu'au rayon dramaturges et y chercha la biographie d'un dramaturge célèbre, ne l'y trouva pas et en désespérance de cause se décida finalement à relire L'avare de Molière. Après tout, c'était le meilleur moyen de se faire sourire un peu.

Il feuilla un instant le livre, alla s'asseoir sur un des fauteuils rouges bordeaux qui parsemaient la bibliothèque et ouvrit le volume à la scène 7 acte IV. "Au voleur! Au voleur! à l'assasin! au meurtrier! Justice, juste ciel! Je suis perdu, je suis assassiné, on m'a coupé la gorge, on m'a dérobé mon argent. Qui peut-ce être ? Qu'est-il devenu? Où est-il? Ou se cache t-il? Que ferais-je pour le trouver? Où courir? Où ne pas courir?"

A cette phrase là, il oublia complètement ce pour quoi il était de si mauvaise humeur et éclata d'un rire discret.

Il était parti. Mais il restait là, dans la bibliothèque. Ils étaient seuls tous les deux.
Mais à quoi jouait-il ? Même si leurs relations s'amélioraient, elle ne ferait jamais confiance à un type comme lui.
Au bout d'un moment, elle l'entendit rire discrètement*. Elle ne savait pourquoi, mais ce rire suffit à la tourmenter. Idiot, hein? Avoir peur d'un rire ?... Pfff. Mais ce n'était pas que le rire dont elle avait peur, c'était du personnage. Ce type si mystérieux, dont on ne savait rien...

Dans son ton, Lena décela de l'agacement. Parfait, elle l'énervait. Ce qu'elle voulait, en ce moment, c'était la chute de son respect, à lui. Elle voulait le faire souffrir. Mais pour ce faire elle devait devenir son amie, et le trahir au dernier moment..

Quel plan machiavélique qui ne lui était pas coutumier! Lena en rigola toute seule pendant cinq bonnes minutes, avant de reprendre ses esprits (et son sérieux) et de se concentrer sur ledit plan.

Elle s'avança vers le rayon où il était et le trouva adossé à une étagère.

(Mhmh, j'aime bien quand le "rire discret" se transforme dans le post d'après en "rire sonore qui lui glaça le sang" )

Alors qu'il était en train de lire la suite de cette scène parfaite de Molière, Stanislas entendit une voix derrière lui. C'était elle. Il soupira. Maintenant qu'il allait bien, que son humeur était de nouveau à point correct, la voilà qui ramenait sa poire et lui causait. C'était bien gentil de rejeter ses excuses et de revenir ensuite.

Puis il souria, intérieurement seulement.

"L'avare de Molière, vous connaissez? Un chef d'oeuvre."

Il glissa son doigt sur le coin corné de la page et retourna sur le début du paragraphe, lut un instant le passage puis se leva et fit.

"Regardez."

Un coup d'oeil vers la droit, un coup d'oeil vers la gauche : "Arrête. Rends-moi mon argent coquin!" Stanislas se prit le bras et roula des yeux. "Ah! C'est moi. Mn esprit est troublé, et j'ignore où je suis, qui je suis, et ce que je fais!"

Il reprit le livre, se rassit élégamment sur le fauteuil et fit seulement : "Molière était le meilleur du monde, n'est-ce pas ?"

Lena sourit, sincèrement cette fois-ci, lorsque Stanislas lut ce passage de la pièce de théâtre. Mais elle se reprit, essayant de garder contenance.



Au point où elle en était, quitte à continuer sur la lancée. Quelques élèves commençaient à affluer, se posaient à l'autre bout de la bibliothèque et, du coin de l'œil, elle en aperçut certains qui la pointaient du doigt en chuchotant. Les sourcils froncés, les lèvres pincées, elle haussa les épaules et respira calmement. Se retournant vers son interlocuteur, elle poursuivit le plus calmement du monde leur conversation. S'asseyant sur un fauteuil environnant, elle demanda :

(=>>>> J'ai changé la dernière phrase de Stan pour pouvoir justifier sa présence aux sanitaires.)

Il vit un sourire fleurir sur son visage, elle était proche du magnifique avec lui. A cet instant là, il entendit un groupe plutôt bruyant d'élèves s'installer à quelques pas d'eux. Il les vit s'asseoir sans gêne sur les tables, les chaises et le sol puis vit comme l'un d'eux, Adrien des BB il ne savait plus quoi, tendre le doigt vers mademoiselle Geissler d'un air hypocrite et railleur. Il grimaça : si ça continuait comme ça ils allaient avoir des problèmes très vites et pour couper à toute embiguité il fit d'une voix un peu plus forte que d'habitude : "Incontestablement L'avare mais vous me sembler avoir une très bonne culture, mademoiselle." Il se tourna légèrement vers elle, lui fit un sourire mi-poli mi-excuse et mumura à la second phrase qu'elle fit.

"Je suis vraiment désolé. J'espère que vous m'en voudrez pas trop longtemps mais comprenez. A force d'être enfermé avec ces ... choses, ça donne des envies de suicide... Vous ne trouvez pas ?"

Il garda le regard bien sur son visage, cherchant à ne croiser ni la rondeur de ses seins, ni le regard moqueur des élèves. Qu'est-ce qu'il pouvait les haïr des fois. Mademoiselle Geissler aurait du aller dans la salle des profs, au moins là-bas on aurait été plus tranquille. Sauf que ... Il grimaça intérieurement : ça aurait été les autres profs et ça ... Il y en avait qui étaient même pire que Adrien bidule. Soupirant finalement il reprit le livre et se leva.

"Si cela ne vous gêne pas, j'aimerais pouvoir aller faire un tour quelque part où je ne croiserais pas une telle troupe d'i...innoportuns. Je vous accompagne à la sortie?* " Il lui tendit la main pour l'aider à se lever et pouvoir enfin sortir un peu la tête à l'air. Oui faire un tour dans le parc lui disait bien.