Un livre sur les techniques de dessin [Stan/Kathy]

Elle lui emboita le pas, il lui fit un sourire et traversa le couloir à grands pas vérifiant à deux fois si elle le suivait bien. Ils arrivèrent au dortoir, il sortit sa clé, l'introduisit dans la serrure et déverrouilla la porte. Il jeta un coup d'oeil à l'intérieur : il n'y avait personne. Ce n'était pas vraiment qu'il ne voulait pas qu'ils soient vu ensemble mais pour la réputation de la jeune fille, c'était mieux de ne pas être trop près du dortoir.
Il ouvrit la porte en grand, lui indiqua d'un mouvement bref de la main d'entrer. Elle sembla hésiter un instant d'entrer dans la salle sans lumière, consentit finalement à deux pas dans la pénombre, il se glissa derrière elle, referma silencieusement la porte et la reverrouilla de l'intérieure, faisant attention de laisser la clé à l'intérieur pour que personne ne puisse entrer.

"Je suis désolé mais ce n'est pas très bien vu de faire entrer des élèves dans le dortoir mais vu que je ne sais pas exactement où j'ai mis le livre et qu'en plus, nous pourrions rapidement le feuilleter ensemble puisque vous avez du temps, je préfère fermer la porte. Ainsi nous serons pas déranger et aucun de nous aura de problèmes avec la direction ou des caramades indiscrets. Si vous voyez ce que je veux dire."

Il lui souria, marcha jusqu'à son lit qui était tout dans le coin gauche côté fenêtre et y déposa son sac. Puis il se pencha en dessous, en tira deux cartons rempli à ras-bord d'un bric-à-brac indescriptible et se fit à fouiller à l'intérieur sans lever les yeux cherchant à se rappeler à quoi ressembler ce foutu livre dont il avait parlé.

Kathy n'avait pas arrêté de le suivre, assez amusée à l'idée qu'il se retournât pour vérifier qu'il la suivait bien. Ils arrivèrent enfin devant la porte du dortoir et le professeur la fit entrer. Un peu hésitante à l'idée d'entrer dans cette pièce si sombre... Oui, Kathy était quelque peu claustrophobe, mais elle se débarrassa vite fait de cette peur et entra finalement d'un air déterminé, faisait sourire le professeur qui verrouilla la pièce de l'intérieur.



Elle lui sourit poliment et lui répondit qu'il n'y avait aucun problème. Elle posa ses affaires par terre et s'assit sur un coin de lit et attendit que le professeur trouve le livre en question au milieu de son véritable bric-à-brac d'objets hétéroclites remplissant des cartons.

Visiblement, il avait de la peine. Kathy sourit et examina ses ongles en triturant une fois de plus son petit médaillon enfantin.

Stanislas tombait pelle mêle sur des vieilles cartes d'identité qu'il recherchait justement, des vieilles cartes, des paquets de préservatifs qu'il tenta de cacher en rougissant, des livres, des boites étiquettées... ou non, ... Alors qu'il avait à peine la place de poser encore quelque chose derrière lui, il découvrit le livre. C'était un des derniers qu'il s'était acheté avant d'être enfermé ici. Il soupira en se rappelant cet après-midi magnifique d'une fin d'été triomphant. Puis se chassant le souvenir de la tête, il prit les deux cartes d'identité, les posa entre eux deux sur le livre, rangea ce qu'il avait enlevé des cartons et les refis disparaître sous son lit.

Il souria en voyant son visage à 16 ans à côté de celui à 25. Sur la première photo on voyait le garçon aristocratique beau et sûr de lui par excellence, sur l'autre un homme viril, la barbe naissance, les traits fatigués d'un combat enfin terminé, le sourire du triomphe et quelque part au fond des prunelles une lueur d'âme cassée. C'était à peine le même homme. Seul les trois prénoms tellement étrange figurant à côté de la photo prouvait que c'était bien de lui qui s'agissait : "Stanislas Alphonse Isaac De La Mandel."

Il n'avait pas vu qu'entre les deux cartes d'identité se trouvait une vieille lettre signé Isaac. Enfin, il le vit trop tard, lorsque la jeune étudiante tendit la main pour la regarder.

Lorsque le professeur trouva enfin le livre, il s'assit sur le lit aux côtés de son élève et posa entre eux deux deux vieilles cartes d'identités avec, coincé entre les deux cartes, un morceau de papier quelque peu froissé. Apparemment l'heure était à l'émotion, aussi Kathy tendit instinctivement la main pour regarder le morceau de papier, qui s'avéra être une lettre signée Isaac. Elle n'eut le temps de ne voir que ça, avant de la lâcher précipitamment, gênée par son impolitesse. Le professeur semblait gêné lui aussi, et Kathy baissa les yeux quelques secondes et aperçut immédiatement le simple détail. Sur la deuxième carte d'identité, à côté de la photo, Kathy lut distinctement les trois prénoms si étranges : Stanislas Alphonse Isaac De La Mandel.

Elle fronça les sourcils, un peu décontenancée. Sa politesse la retint de demander à brûle-pourpoint le sujet de cette lettre, mais en même temps elle était tenaillée par sa curiosité maladive naturelle.

Lorsqu'elle eût lu les prénoms sur la carte d'identité, elle ouvrit grand la bouche, laissant échapper un petit cri de surprise dont elle se maudit tout de suite.

Le professeur tourna tout de suite la tête vers elle. Aussitôt, sans qu'elle ne sache pas, un frisson courut le long de son dos et elle eut un peu peur de la réaction de son professeur face à son manque de respect...

Il savait pourtant que les élèves n'étaient pas autorisés explicitement dans le dortoir pour cette simple raison mais maintenant peut-être qu'elle se doutait... Il l'entendit pousser un petit cri. Voilà, c'était dit. Elle savait.

Un flash-back lui vint, un simple fash-back et il sut qu'il fallait qu'il explique ou... pas.

Il hésita encore, baissa sans la regarder la main vers la lettre et l'ouvrit toute grande et la lut, sentant que dans son dos, l'élève lisait aussi, trop curieuse pour se retenir mais étrangement... il ne lui en voulait pas ... pas tant que ça.

"
Ton père,


Stan déglutit et se tourna finalement vers Kathy, elle avait découvert mais elle ne l'avait pas voulu, elle ne lui avait rien demandé, il s'était juste trahi. Et maintenant? Il hésitait.

Après que Kathy eut crié de surprise, Stanislas pâlit sous son air assuré. Elle devina qu'elle avait touché là une corde sensible, mais il était trop tard pour son professeur pour reculer. Kathy détourna les yeux, essaya de lui faire comprendre par son simple regard qu'elle n'avait pas voulu être aussi indiscrète...

Stanislas, gêné, commença la lecture de la lettre. Elle était assez porteuse de sens : Stanislas avait incontestablement une famille assez riche et réputée dans leur milieu (elle ne savait lequel, cependant), et apparemment l'homme que Stanislas croyait être son grand-père ne l'était pas. Bref. Une bête et compliquée histoire de famille. Une histoire sur les relations orageuses père-fils dont Stanislas n'était pas fier avec le temps, apparemment.

Kathy grimaça et compatit mentalement au désarroi de son employeur.

À la fin de la lecture, il déglutit brutalement, comme honteux. Kathy ne savait quoi faire : commencer à le suriner de questions indiscrètes sur son passé, sur lequel il n'était pas obligé de revenir avec des élèves, ne semblait pas tout à fait approprié à la situation présente. Elle réfléchit, le doigt sur la tempe, sourcils froncés.

Kathy en vint finalement à la conclusion qu'elle ne pouvait rien dire. Lui seul avait le pouvoir dans cette conversation, ainsi elle se tut et préféra le laisser parler si il le souhaitait.

Stanislas ne savait plus quoi faire.

Elle ne lui posait aucune question, il n'avait pas le courage d'en dire d'avantage, d'avouer pour la première fois surement s'il ne l'avait avoué avec l'alcool les raisons de certaines décisions importantes. Pourtant, il fallait qu'il commence par quelqu'un, que ce soit une élève ou non? Quelle importance...

Il se tourna vers elle. Il hésite toujours, sous sa main reposaient les deux cartes d'identité et entre les deux, une seule différence : la photographie. Deux hommes que personne ne croirait être bel et bien le même. L'un est charmeur et sûr de lui, l'autre semble dire "ouf" et "Qui suis-je?"

Stan pensa une nouvelle fois à ce prénom : Alphonse... Celui d'un grand-père qui avait remplacé ce père toujours absent. Le seul qu'il avait aimé et pourtant celui des deux hommes qu'il avait appelé grand-père qui n'avait pas réellement était le sien.

Il n'avait jamais cherché à savoir qui était son vrai père. Et peut-être qu'en cherchant ça il pourrait expliquer la forme de son nez ou celle de son visage... Mais à quoi bon? Il était tel qu'il était, rien ne pourrait plus rien changer à ça, il existait et il était un homme infecte.

Il se faisait haïr, peut-être était-ce la meilleure solution. Cette jeune fille aussi devait le haïr pour ne pas découvrir ce qui lui était arrivé.

Il la regarda encore. Ses yeux gris-verts le fixait, magnifiques, imprégnés d'une question curieuse, d'une envie simple de savoir, d'une hésitation à demander. Elle avait des formes étranges, mélange encore de l'enfance et de l'âge mûr. Ces formes qu'il appréciait tellement contre lui, des formes qui soudain lui firent oublier où il était avec qui, en parlant de quoi. Il posa une main sur l'épaule souple de la jeune fille.

"Poses-moi les questions que tu veux, il faut que tu comprennes maintenant."